Jusqu’au 23 février 2025, le Petit Palais met à l’honneur Jusepe de Ribera, retraçant l’évolution de son style, entre ténèbres et lumière. Sous le commissariat d’Annick Lemoine et Maité Metz, l’exposition montre comment Ribera développe un style personnel et s’émancipe de l’influence du Caravage. La scénographie de l’exposition mêle une approche chronologique et thématique. La période romaine de Ribera est mise en valeur sur des murs ocres et bruns, rappelant les pigments de sa palette. Quant à la période napolitaine, elle s’illustre sur des fonds bleus, en écho aux thématiques religieuses et philosophiques qui lui sont chères. À Rome, celui que l’on surnomme Lo Spagnoletto, "le petit Espagnol", affine son style et perfectionne sa technique. Il s’approprie le naturalisme en clair-obscur propre au Caravage, tout en développant une esthétique qui lui est propre. Rejetant les codes du beau idéal alors en vogue dans la Haute Renaissance italienne, Ribera se démarque par son usage du ténébrisme et le choix de ses sujets. Dans son Allégorie des cinq sens, il ne représente pas des figures idéalisées, mais des gens du peuple qu’il côtoie. Ce réalisme brut, qu’on retrouve également dans Le Mendiant (1612), accorde une dignité inédite aux plus modestes, bousculant les hiérarchies sociales de l’époque. Le réalisme des figures humaines qu’il peint suscite la sympathie et l’identification, un schéma qu’il transpose aux ermites et aux saints. À Rome, ses séries d’Apostolados lui permettent de s’imposer et de séduire d’importants collectionneurs, sensibles au mysticisme de ses œuvres. Adepte de la sanguine, de la plume et de l’encre, une salle est consacrée à sa production graphique. Son trait vigoureux se distingue dans ses dessins, où l’on perçoit son intérêt pour les physionomies. Cette section met également en lumière l’importance de la diffusion de ses œuvres par la gravure : ses séries de planches, largement diffusées en Europe, ont renforcé sa notoriété. Ribera s’installe à Naples en 1616 et y demeure jusqu’à sa mort en 1652. Dans la vice-royauté espagnole, son style évolue, désormais il combine le ténébrisme de sa période napolitaine avec le colorisme vénitien. Ribera continue à défier les conventions en représentant la pauvreté avec une profondeur psychologique inédite. En témoignent ses séries de philosophes et de mendiants, réalisées pour le duc d’Alcalá dans les années 1630. Dans ces œuvres, il magnifie le quotidien et met en lumière la misère, notamment à travers des œuvres comme Le Pied-Bot qu’il réalise en 1642. Dans la rétrospective, le réalisme de l’artiste résonne avec les préceptes du Concile de Trente, convoqué par le pape Paul III en réponse à la Réforme protestante. L’art devient un moyen de soutenir les dogmes catholiques pour attirer de nouveaux adeptes. Une salle présente deux Lamentations sur le Christ mort et une Mise au tombeau habilement mises en dialogue. Alliant l'expression poignante de la souffrance à la sincérité des visages, l'émotion qu'elle suscite invite le spectateur à la contemplation du divin. Le pathos qui imprègne son œuvre se mêle à la mise en scène spectaculaire de la violence, comme en témoignent ses scènes de torture et d'exécution, inspirées par l'Inquisition. Parmi elles, on trouve des œuvres telles que le Martyr de saint Barthélemy, Saint André ou Saint Sébastien. Des œuvres comme Silène ivre, ou Vénus et Adonis illustrent l’étendue de ses talents, démontrant sa capacité à explorer des registres variés. Après s’être fait connaître pour son ténébrisme et ses figures isolées, Ribera élargit son traitement de la lumière, qui finit par envelopper ses toiles dans leur totalité. Né dans les ténèbres, son œuvre, en constante évolution, témoigne de la manière dont Ribera s’élève vers la lumière. ![]() | ![]() Allégorie du goût, Saint Barthélemy vers 1613 huile sur toile Florence Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi ![]() Tête de guerrier vers 1610-1615 Sanguine Madrid Museo Nacional del Prado ![]() Le Pied-bot, 1642 Signé et daté, en bas à droite Huile sur toile Paris, musée du Louvre Saint Jérôme et l’ange du Jugement dernier 1626 Huile sur toile Naples Museo e Real Boscodi Capodimonte. |